Démonstration au moyen d’une rapide petite relecture du Monde de ce week-end (dimanche 10 et lundi 11 juin).
Page 2. Les résultats du G8. Europe et Etats-Unis s’accrochent une nouvelle fois sur le changement climatique. Le Vieux Continent voulait imposer des objectifs impératifs de réduction des gaz à effet de serre, les Etats-Unis ne nient certes plus que le réchauffement de la température à la surface de la terre résulte en partie de la pollution engendrée par les activités humaines, mais ils préfèrent s’en tenir à une politique de soutien aux technologies alternatives. On voit bien qu’à défaut d’accord entre eux, ils s’interdisent d’exercer sur les pays émergents une pression plus forte. Or soumettre d’emblée leur développement aux exigences du développement durable (qui vise à combiner croissance économique avec exigences sociales et environnementales), voilà bien un objectif que pourraient partager l’Europe et les Etats-Unis. L’attitude à avoir vis-à-vis des pays émergents, nouvel enjeu des relations transatlantiques.
Nouvelle preuve en Page 11. Le sursis négocié courant 2006 au sujet des importations de textile chinois expirera à la fin de l’année. (...)
Le Commissaire européen Peter Mandelson a averti qu’il n’était pas prêt à renégocier un sursis alors qu’il y a 12 ans, les Etats membres de l’Organisation mondiale du commerce s’étaient mis d’accord pour la suppression de tous les quotas à l’importation de produits textiles notamment en Europe. Ils n’avaient visiblement pas prévu le formidable afflux de produits chinois. Déjà le président de l’Union des industries textiles françaises s’alarme : l’Europe va rouvrir son marché au 1er janvier 2008 alors que les Etats-Unis ont imposé des quota pour une année supplémentaire. Quid de la coordination entre Europe et Etats-Unis pour faire face au choc chinois ? Néant.
Toujours Page 12, un autre sujet éminemment transatlantique : Galileo. Le système européen de navigation par satellites conçu sous l’ère Delors a touché le fond. Les ministres des transports des Vingt-Sept pays de l’Union européenne se sont donnés jusqu’à la rentrée pour donner le grand coup de pied qui va lui permettre de remonter à la surface plutôt que d’être noyé dans les eaux des divisions entre Européens. Naturellement, personne n’est pressé de financer le milliard et demi d’euros qu’il faut remettre au pot. La crise de Galileo souligne la fragilité du compromis sur lequel repose ce projet, qui donnerait naissance à la première véritable infrastructure européenne. Si personne n’est prêt à payer, c’est que personne n’est véritablement d’accord sur la valeur du projet et l’intérêt de cet investissement. L’intérêt public européen n’est jamais avancé, sinon en termes d’effet de levier économique (Galileo créerait un marché de services associés de plusieurs centaines de milliards d’euros). Or il en va sur ce dossier de l’autonomie de décision de l’Europe face aux Etats-Unis. C’est si vrai que les Chinois – encore eux – sont en train de développer leur propre système de positionnement par satellites, après avoir pris une participation conséquente mais plus limitée qu’ils ne l’auraient souhaité (à la demande des Européens) dans Galileo.
Bref ! Le différend sur la relation transatlantique ressurgit à la faveur de la crise de Galileo. Et cette fois-ci les compromis paresseux ne pourront être scellés qu’au prix de la mort du projet.
Pour sauver Galileo, il faut surmonter ces divisions. Il faut un génie du meccano politique et institutionnel comme l’étaient Jacques Delors ou François Lamoureux (haut fonctionnaire français qui fut l’une des figures de la Commission dans les années 1980 et 1990). Il faut refaire l’exploit de la monnaie unique et, sans couper les ponts, mettre Washington devant le fait accompli d’un consensus européen.
Qui a dit que les relations transatlantiques n’étaient pas au centre de l’actualité et de la vie politique européenne ?
Moralité : le président Sarkozy vient d'accorder en remises fiscales aux classes aisées l'équivalent de six à sept Galileo, que nous aurions pu faire tout seuls, sans passer par la camisole européenne...
Rédigé par : edgar | 14 juin 2007 à 09:19
Laissons au président Sarkozy le bénéfice du doute sur Galileo. On saura dans quelques mois à quel niveau de priorité il situe un projet comme celui-là. Mais comme vous le dites ses marges de manoeuvre fiscales se sont singulièrement réduites en quelques semaines! Et vous avez certainement raison également lorsque vous dites que 'nous', les Français, aurions pu faire Galileo seuls. Pas au sens où la France pouvait se passer de coopérations industrielles. Mais au sens où la France aurait pu initier un projet européen (qui ne soit pas à 27 pour autant). Mais il lui aurait fallu affronter les demandes allemandes et celles d'autres partenaires. Cela pose la question de la capacité d'initiative du pouvoir politique à Paris. Car si Paris est venu en appui de ce qui se tramait à Bruxelles sur Galileo, le 'détour européen' fait par Galileo est un moyen de contourner les méandres et les pièges du gouvernement national. La camisole n'est peut-être pas à Bruxelles...
Rédigé par : Florence Autret | 16 juin 2007 à 17:04