Ce matin, le directeur général Justice, Liberté et Sécurité de la Commission européenne, Jonathan Faull, débriefait la presse bruxelloise sur l'accord trouvé avec les Etats-Unis au sujet de l'utilisation, par les services de renseignement des Etats-Unis, des informations concernant les passagers des vols transatlantiques recueillies en Europe par les compagnies aériennes (les "données PNR" dans le jargon de l'aviation).
Il était temps. Si on ne voulait pas qu'à nouveau les compagnies aériennes européennes se trouvent coincées entre le marteau américain et l'enclume de la justice européenne, il fallait s'entendre avant le 31 juillet, date d'expiration de l'accord actuel. Sans quoi les compagnies auraient eu le choix entre violer la loi américaine,qui les oblige à communiquer les données sous peine de sanctions financières voire de suppression des droits d'atterrissage si elles ne s'exécutent pas, et violer la loi européenne, qui leur interdit de le faire.
Passons sur les détails de l'accord qui, en résumé, autorise le transfert des informations de base (nom, numéro de carte, type de billet, etc.) et leur stockage pour une durée de 7 ans, voire plus, et ne pose pratiquement pas de limite au transfert des données entre les très nombreuses organisations américaines en charge de la lutte anti-terroriste (cela fait sens, d'une certaine façon, le recoupement des informations des différents services étant un gage d'efficacité du système dans son ensemble, mais peut compliquer le contrôle de la bonne application de l'accord).
Mais l'information importante du briefing de ce matin est ailleurs : pour la première fois, la Commission a dit qu'elle travaillait sur un système de "PNR européen". Le concept est encore tout sauf précis. Mais l'enjeu est très clair : il s'agit de permettre que les données collectées par les compagnies européennes, sur les vols européens, puissent être utilisées dans le cadre de la lutte anti-terroriste.
Ira-t-on vers la création d'un fichier européen centralisé des données PNR? C'est hautement improbable tant l'est un compromis entre Etats sur la forme et surtout l'accès à ce fichier commun. En vérité, les conditions dans lesquelles les services de renseignement nationaux peuvent actuellement accéder aux données collectées par les compagnies aériennes sur le territoire national est tout sauf clair.
Mais une chose est sûre, la politique de renseignement des Etats-Unis continue de produire ses effets sur l'Europe. Non seulement parce qu'elle oblige cette dernière à gérer les effets extra-territoriaux de la première. Mais aussi parce qu'elle imprègne tout simplement l'agenda politique européen et ouvre aux services de renseignement européen des horizons nouveaux.
Un "Aviation and Transporation Security Act" européen n'est sans doute pas pour demain. Mais il est certain que d'ici quelques années, l'accès des services de renseignement aux fichiers des compagnies européennes sera plus facile.
Commentaires