Assister à un Sommet européen comme celui qui s'ouvre le 21 juin à Bruxelles ne donne pas seulement le privilège de voire (de loin certes) les principaux dirigeants de l'Europe à l'oeuvre. C'est aussi le plus court chemin pour être fiché par les services de sécurité. La procédure d'accrédition des journalistes, passage obligé pour pouvoir accéder au Justus Lipsius, le bâtiment où se tiennent les réunions, ne laisse aucun doute à ce sujet.
"Les informations communiquées sur le site du secrétariat général du Conseil de l'Union européenne", peut-on lire sous la plume de l'administration du Conseil, "peuvent être transférées à une ou plusieurs agences de sécurité nationales à des fins de vérification de sécurité. L'utilisation de l'accréditation en ligne [qui est la procédure normale] emporte acceptation de ces conditions, comme précisé sur le formulaire d'accrédition en ligne".
Le style est un peu poussif mais le sens limpide.
Ceci n'est qu'une manifestation des progrès fulgurants réalisés par le fichage à grande échelle depuis les attentats du 11/9/2001. Un autre exemple, moins anecdotique, en a été donné le 12 juin dernier à Luxembourg lorsque les ministres de l'intérieur des Vint-Sept se sont mis d'accord pour étendre à toute l'UE le traité dit de Prüm. Ce traité avait été à l'origine signé par 7 Etats (dont la France et l'Allemagne) et doit permettre aux polices de toute l'Europe d'interconnecter leurs fichiers respectifs. Visiblement satisfait, le ministre de l'intérieur allemand, Wolfgang Schaüble, s'était félicité à l'issue du Conseil des progrès de l'intégration européenne dans le domaine de la sécurité. A ses côtés, le Commissaire en charge de la justice et des affaires intérieures, Frattini, opinait du chef.
Depuis quelques années, les gouvernements nationaux s'engouffrent dans la brêche ouverte par la peur du terrorisme, les offres toujours plus pointues des industriels spécialisés dans les systèmes de sécurité et les demandes de services de renseignement et de sécurité totalement désinhibés par les besoins de la lutte anti-terroriste.
A côté de cette lame de fond, les accrochages transatlantiques sur la communication des données des passagers des vols transatlantiques ou bien des données bancaires confidentielles adressées par SWIFT (système de compensation interbancaire international) au Trésor et aux agences de renseignement américaines, ne semblent plus que de simples incidents de parcours sur la voie d'une surveillance sans cesse plus étroite de tout un chacun.
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