Le 6 septembre 2006, le président George W. Bush a admis l’existence à l’extérieur des États-Unis de prisons secrètes de la CIA. Il affirmait en même temps que cette série de « procédures parallèles » avait permis de sauver des vies. A la faveur de la seconde guerre d’Irak et de la « guerre contre le terrorisme » lancée par Washington, le débat sur l’ « utilité » et la justification possible de la torture a été rouvert. Vieux débat qui ressurgit également en France lorsque le voile se lève sur la réalité de la guerre d’Algérie. Cela n’empêche que depuis la fin du XIXe siècle, grâce aux progrès du droit international, le principe de l’interdiction de la torture, de même que l’obligation de traiter humainement les prisonniers en général, a été admis par la communauté internationale. Faut-il revenir en arrière ?
Tout pouvoir fait face au dilemme entre principe de justice et principe d’efficacité. Mais le retour de la torture, du kidnapping, de l’emprisonnement arbitraire permettent-il réellement de sortir du dilemme ? de vaincre le terrorisme ? Il est impossible de dire ce qui se serait passé si les quatorze personnes identifiées par le Conseil n’avaient pas été enlevées. Peut-être certaines auraient-elles réussi à commettre un attentat, peut-être auraient-elles été arrêtées, peut-être n’avaient-elles aucune menée terroriste en tête. Dans le cas précis d’Abou Omar, il semble que de la voie légale et de la voie illégale, la première aurait été plus efficace. Mais au-delà de l’efficacité immédiate, les prisons secrètes posent la question de savoir quel sens peut avoir une politique qui, pour combattre un danger et une injustice crée un risque et une injustice aussi grande. Au lendemain de l’ « aveu » du président Bush, René van der Linden, le président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a dit l’inanité de cette politique : « de telles méthodes réduiront à long terme notre sécurité au lieu de l’accroître. Kidnapper des gens et les torturer en secret – quelque tentant que l’avantage puisse en paraître à court terme –, c’est là le fait de criminels, non d’un gouvernement démocratique. A longue échéance, de telles pratiques ne font que multiplier les terroristes et miner les valeurs en faveur desquelles nous combattons. L’Europe n’aura aucune part à un système aussi dégradant ». Et de citer Dick Marty, « les violations des droits de l’homme commises dans la lutte antiterroriste représentent en réalité, autant de victoires pour les terroristes, dont le but est justement de détruire la primauté du droit »[1].
[1] Communiqué de presse du Conseil de l’Europe, 488(2006), 7 septembre 2006.
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