'Union europ�enne sera-t-elle capable, un jour,
de mener une politique ind�pendante sans avoir � rendre des comptes
� son puissant alli� am�ricain ? Le moins qu'on puisse dire, � lire
l'analyse solidement argument�e de Florence Autret, journaliste
�conomique � Bruxelles, est qu'elle n'en prend pas le chemin.
L'avenir, � en croire l'auteur, est plut�t au
"rapprochement
inexorable" des deux continents qu'� leur affrontement.
"L'Europe ne peut �chapper � son destin atlantique",
affirme-t-elle.
La
convergence croissante entre les Etats-Unis et l'Union europ�enne
n'aura-t-elle pas pour principale cons�quence de renforcer
l'h�g�monie des premiers sur la seconde ? La r�ponse de l'auteur est
nuanc�e. Elle assure que l'Europe conserve d'importantes marges de
manoeuvre et qu'elle ne peut �tre consid�r�e comme
"le cheval de
Troie" de l'Am�rique. La
"dialectique transatlantique",
d�j� � l'oeuvre entre les deux rives de l'oc�an, se traduit,
�crit-elle, par des relations complexes
"o� alternent les figures
de l'entente, de la subordination et de la concurrence".
En m�me temps, le poids des Etats-Unis est tel que le Vieux
Continent a beaucoup de mal � leur r�sister, comme le montre, parmi
d'autres exemples, son alignement sur la politique am�ricaine en
mati�re de s�curit� depuis les attentats de 2001. Les voies de
l'int�gration sont "surd�termin�es", selon l'auteur, par la
relation transatlantique, le March� commun apparaissant comme le
"pendant �conomique" de l'Alliance atlantique, domin�e par
les Etats-Unis.
La forte influence de Washington sur l'Union europ�enne est
pr�sente d�s les d�buts de l'entreprise communautaire. Elle s'exerce
directement sur la cr�ation de la Communaut� europ�enne du charbon
et de l'acier (CECA). "On peut dire que les Etats-Unis ont
contribu� � concevoir l'int�gration", �crit Florence Autret.
L'auteur souligne le "r�le actif et d�cisif" de la diplomatie
am�ricaine dans les pourparlers de l'�poque, dont l'issue appara�t
moins, au regard de certains historiens, comme "une affaire
franco-allemande" que comme "un compromis
germano-am�ricain" sur les capacit�s de production de
l'Allemagne.
Les fluctuations du soutien apport� ensuite par les Etats-Unis ne
peuvent masquer, selon Florence Autret, "l'�troite co�ncidence
entre l'unification europ�enne et l'affirmation de la puissance
am�ricaine dans le contexte de la mondialisation". Les
"europ�anistes" qui occupent � Washington des postes de
responsabilit� parient, non sans raison, sur la convergence
"entre int�gration supranationale et int�r�ts am�ricains".
Les entreprises d'outre-Atlantique trouvent en effet dans l'espace
europ�en le cadre d'une croissance que ne freine aucune fronti�re et
que favorise aussi un lobbying made in USA, devenu l'un des traits
distinctifs du paysage bruxellois.
L'Union europ�enne s'efforce toutefois de pr�server, face aux
Etats-Unis, une certaine autonomie. Florence Autret examine en
d�tail trois dossiers sur lesquels Bruxelles a d�fendu sa libert�
d'action. Le premier, celui des sanctions contre Microsoft, a r�v�l�
deux conceptions diff�rentes du droit de la concurrence avant que ne
se dessine � Bruxelles une �volution qui va plut�t, selon l'auteur,
vers une "am�ricanisation du droit europ�en". Le deuxi�me
concerne la r�glementation des produits chimiques, qui a provoqu�
l'hostilit� de Washington et rendu n�cessaire la recherche d'un
compromis. Le troisi�me est celui du syst�me de navigation par
satellites Galileo, concurrent du syst�me am�ricain, qui fait
l'objet de difficiles n�gociations.
Tout indique que le couple transatlantique va continuer �
resserrer ses liens. La place qu'y tiendra l'Europe d�pendra du
rapport de forces qu'elle sera capable de cr�er.
L'AM�RIQUE � BRUXELLES de Florence Autret. Seuil, 236 p., 18
�.